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Solaire thermique et stockage pour les Réseaux de Chaleur

Hugues Defreville
solaire thermique et stockage pour les réseaux de chaleur urbains

Réseaux de Chaleur et décarbonation des territoires

Après avoir eu le plaisir de découvrir nos articles sur la chaleur renouvelable, le fonctionnement de l’énergie solaire thermique et son stockage…il est temps de s’intéresser aux différents usagers !

Nos projets s’adressent à des grands consommateurs, comme des sites industriels qui utilisent de la chaleur dans leur procédés…ou des collectivités qui ont besoin de chauffer un ensemble de bâtiments ou logements. Aujourd’hui, focus sur une des solutions phares pour décarboner la chaleur des villes : les Réseaux de Chaleur Urbains ou RCU ! Vous allez le voir, RCU et solaire thermique… font très bon ménage !

Qu’est-ce qu’un Réseau de Chaleur Urbain (RCU) ?

Un RCU est un réseau de distribution qui achemine de la chaleur sous forme d’eau ou de vapeur vers des postes de livraison situés dans les locaux techniques des différents bâtiments, depuis une ou un ensemble d’installations de production de chaleur.

Cela permet d’assurer :

  • le chauffage,
  • la production d’Eau Chaude Sanitaire (ECS),
  • ou encore d’éventuels usages spécifiques (chauffage de piscine par exemple).

Les bâtiments desservis sont résidentiels, tertiaires, industriels, équipements publics… tous peuvent se raccorder à un RCU !

Le principe d’un réseau de chaleur repose donc sur la mutualisation des moyens de production de chaleur pour plusieurs clients/bâtiments à l’échelle d’un territoire (quartier, ville…).

Cette mutualisation favorise la valorisation des énergies renouvelables et locales pour la production de chaleur (chaleur fatale, solaire thermique, géothermie, biomasse, biogaz…) en raison de leurs coûts d’investissements élevés.

schema reseaux de chaleur

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Schema réseaux de chaleur, source : Ministère de la Transition énergétique

Qui sont les différents acteurs des réseaux de chaleur ?

Dans la majorité des cas, un réseau de chaleur est créé à l’initiative des collectivités locales : métropole, communauté de communes, commune, syndicat mixte (toutefois cette compétence n’est pas exclusive des collectivités, des réseaux de chaleur peuvent être créés par des acteurs privés). Dès que la collectivité exerce cette compétence, l’activité de production, de distribution et de livraison de chaleur s’inscrit dans le cadre d’un service public de chaleur ce qui induit comme obligation pour cette dernière :

  • l’égalité de traitement entre les usagers,
  • le contrôle du service, indépendamment du mode de gestion retenu,
  • la garantie de la continuité du service public.
Schéma explicatif des relatins entre les différentes acteurs des réseaux de chaleur

source: Newheat

Dans le cas d’un réseau de chaleur relevant d’un service public, le degré d’externalisation du service à un éventuel opérateur va dépendre du mode de gestion retenu par la collectivité :

  • dans le cas d’une régie internalisée la collectivité assure le financement, la conception, l’exploitation, la maintenance et la commercialisation du service; la collectivité est ainsi le propre opérateur,
  • dans le cas d’une régie externalisée, la partie exploitation et maintenance du réseau est réalisée par un opérateur privé. Un marché d’exploitation lie contractuellement la collectivité à l’opérateur. La durée d’un marché d’exploitation est de quelques années,
  • dans le cas d’une concession l’opérateur « concessionnaire » assure le financement, la conception, l’exploitation, la maintenance et la commercialisation du service. Un contrat de concession lie contractuellement la collectivité à l’opérateur. Dans la pratique un contrat de concession excède très régulièrement les 15 ans.
Régie internalisée Régie externalisée Concession (délégation du service)
Financement Collectivité Collectivité Opérateur concessionnaire du service
Conception et réalisation Collectivité Collectivité Opérateur concessionnaire du service
Exploitation et maintenance Collectivité Opérateur « prestataire » Opérateur concessionnaire du service
Commercialisation et facturation Collectivité Collectivité Opérateur concessionnaire du service

Dans la pratique, plus la taille du réseau est importante, plus le transfert du service vers un délégataire privé est élevé. Ce transfert est motivé par une externalisation des risques de commercialisation et d’exploitation, le souhait de bénéficier du savoir-faire industriel des opérateurs sur des opérations complexes et de leurs capacités à mobiliser des financements… Ainsi le mode de gestion en concession représente 36% du nombre des réseaux de chaleur en France mais 73% de la chaleur totale livrée par ceux-ci.

Le client final est un « abonné » du réseau de chaleur, il est titulaire d’un contrat d’abonnement qui le lie contractuellement à la collectivité ou à l’opérateur lorsque le service est concédé. Le gestionnaire du bâtiment est le client final, parfois distinct de l’usager final ; par exemple dans une copropriété de logements, l’abonné est le syndicat de copropriété et l’usager final est l’occupant du logement.

En France, l’exploitation et la gestion des réseaux de chaleur sont principalement assurés par quatre grands opérateurs : Engie Services, Dalkia, Coriance et Idex. Ces opérateurs détenaient plus de 90% du marché en 2019.[1]

Des opérateurs tiers sont également susceptibles d’intervenir sur la seule production d’énergie dans l’optique d’en livrer tout ou partie à un réseau de chaleur. C’est le cas de propriétaires d’actifs générant de la chaleur fatale (comme des Usines d’Incinération d’Ordures Ménagères ou des Data Centers par exemple) ou, comme Newheat, de producteurs de chaleur renouvelable indépendants. Dans les deux cas, ces tiers restent bien distincts de l’opérateur du réseau de chaleur, et contractualisent avec ce dernier des conventions de fourniture de chaleur sur des durées de l’ordre de 15 à 30 ans.

En France on compte plus de 898 réseaux de chaleur.

La Fedene (Fédération professionnelle des acteurs privés de l’efficacité énergétique et de l’énergie thermique, qui contient notamment le Syndicat National du Chauffage Urbain dont Newheat est adhérent) estime que « Pour accélérer la transition énergétique, il faudrait en créer ou en étendre 1 600 de plus. »

schéma mix energétique RCU 2021

Schéma mix énergétique RCU 2021, source FEDENE

Voici comment se compose le « mix » ou bouquet énergétique des RCU existants en France :

En 2021, la production de la chaleur sur RCU provenait à 63% d’Energies Renouvelables et de Récupération (EnR&R)[2], le reste étant produit à partir d’énergies fossiles (gaz, fioul et charbon)[3].  Le mix énergétique des RCU français suit en effet une dynamique de verdissement importante depuis 10 ans (près de 2,5 points par an depuis 2015[4]), ce qui confirme que ce mode de chauffage est un levier de décarbonation majeur pour les territoires. La Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte fixe ainsi pour objectif de livrer 39,5 TWh de chaleur renouvelable en 2030 via les RCU, contre 18,7 TWh en 2021.

Il faut dire que notre pays est très en retard sur le développement des RCU par rapport à nos voisins européens : les RCU français couvraient seulement 5% des besoins en chaleur dans les secteurs résidentiel et tertiaire en 2018 contre 12% en moyenne en Europe[5]. Le cas du Danemark est quant à lui particulièrement exemplaire : les RCU couvrent 52% des besoins sur les mêmes secteurs, ce taux atteignant même 98% à Copenhague[6].

Le solaire thermique, une brique pouvant être significative dans le mix énergétique des RCU

Contrairement aux idées reçues sur l’ensoleillement, l’impact de la localisation géographique sur le productible solaire reste relativement limité (par exemple, le Danemark est le champion du solaire thermique sur réseaux de chaleur). La mise en œuvre de solaire thermique sur RCU est donc tout à fait envisageable quelle que soit la latitude considérée [7].

Toutefois, il convient de rappeler, et c’est logique, que le solaire thermique fournit le plus d’énergie… quand le rayonnement solaire est à son maximum, c’est-à-dire l’été !

Ainsi, sur RCU les grandes installations solaires thermiques (plusieurs MWth) couvrent les consommations estivales, qui correspondent généralement aux besoins en ECS des mois de mai-juin à août-septembre selon la localisation géographique (aussi appelé « talon estival »), en relais des autres installations utilisées en hiver.  Le recours à cette technologie se substitue alors aux consommations d’énergie fossile lorsque par exemple les centrales biomasses sont à l’arrêt (du fait de leur minimum technique d’enclenchement) ou lorsque les autres moyens de production renouvelables ne sont pas disponibles pour couvrir ce talon.

Le RCU peut ainsi être alimenté sur 3 à 5 mois de l’année à 100% par une énergie renouvelable et sans aucune émission (CO2, particules fines…) : le solaire thermique.

Bien sûr, les centrales solaires thermiques permettent tout de même de fournir de la chaleur aux RCU en hiver et à la mi-saison.

Sur ces périodes, l’énergie thermique peut :

  • soit être livrée directement à la température de consigne du réseau en « mode chauffage » (comme c’est le cas pour notre centrale Narbosol raccordée au réseau de chaleur de la Ville de Narbonne)
  • soit être utilisée en « mode préchauffage » pour relever la température retour du RCU (comme c’est le cas pour notre centrale Emasol raccordée au réseau de chaleur de la Ville de Pons).
Mix énergétique du RCU de Narbonne avant et après la mise en œuvre de la centrale solaire thermique de Newheat

Mix énergétique du RCU de Narbonne avant et après la mise en œuvre de la centrale solaire thermique de Newheat

Quelle que soit la configuration retenue pour l’intégration de la centrale solaire dans le réseau de chaleur, un stockage journalier est systématiquement associé afin de palier le décalage entre production solaire (en journée uniquement) et consommation sur le RCU (y compris la nuit), et afin de gérer tout risque de surchauffe du système. Cette cuve, pouvant être d’une capacité de plusieurs milliers de m3, elle permet de couvrir les besoins du réseau pendant plusieurs jours (voir notre article précédent).

In fine, une centrale solaire thermique associée à un stockage journalier permet généralement de couvrir entre 15 et 20% des besoins en chaleur d’un RCU.

Une solution technologique  idéale pour des RCU innovants et vertueux

Si l’ensoleillement joue bien-sûr un rôle dans la production solaire, les autres variables que sont le profil de consommation et le régime de températures du réseau influent fortement sur la performance de la centrale solaire.

La baisse des températures de retour du réseau permet en effet d’améliorer le rendement d’utilisation moyen des capteurs et maximise la valorisation de l’énergie solaire. L’abaissement du régime de températures de 10°C permet de gagner de 10 à 20 % de production solaire supplémentaire. A taille constante, la centrale solaire et son stockage délivreront plus de chaleur renouvelable (ou bien à production constante, l’emprise foncière des installations sera diminuée !).

D’autre part, l’abaissement des températures d’un RCU est également vertueux pour le réseau lui-même puisqu’il permet de diminuer les pertes de chaleur sur le réseau de distribution et de diversifier les sources d’EnR&R (en valorisant d’autres sources de chaleur basse température). Cela contribue ainsi à améliorer l’efficacité énergétique globale du réseau de chaleur, et par conséquent, le prix de chaleur pour les abonnés.

Centrale solaire thermique Newheat et chaufferie biomasse sur le RCU de la Ville de Pons

Centrale solaire thermique Newheat et chaufferie biomasse sur le RCU de la Ville de Pons. Crédits: ADEME x Magenta Films

Outre la création d’énergie totalement décarbonée et sans combustion, ces centrales solaires thermiques peuvent également fournir un service de stockage très intéressant pour le réseau de chaleur. En effet, il est généralement possible de mettre la cuve de stockage du champ solaire à disposition des autres moyens de production du RCU. Ainsi, en hiver et en mi-saison, lorsque la cuve est peu ou pas sollicitée par le champ solaire, celle-ci peut être utilisée pour stocker des EnR&R produites par la chaufferie de l’opérateur de RCU, comme c’est le cas avec notre cuve de stockage à Pons, mise à disposition de la chaufferie biomasse de l’exploitant du réseau. Cela lui procure plus de flexibilité dans l’exploitation de son réseau de chaleur, et permet d’effacer encore plus de gaz lors des pointes de consommation, améliorant le taux EnR&R du réseau et, là encore, le prix de chaleur pour l’abonné.

Dans la même lignée, les stockages intersaisonniers présentés dans notre précédent article, associés ou non à des centrales solaires, apportent également de nombreux services aux réseaux de chaleur. Mutualisés avec les autres moyens de production du réseau, ces solutions permettent :

  • d’augmenter significativement le taux EnR&R des RCU (jusqu’à 100%) sans nécessairement créer d’unité de production supplémentaire,
  • d’apporter une souplesse dans la conduite de la distribution de chaleur,
  • de générer un fort degré de flexibilité dans le pilotage des installations,
  • d’optimiser la performance des moyens de production existants.

Ces centrales, couplées à des infrastructures de stockage journalier ou inter saisonnier, s’inscrivent au cœur des réflexions sur les réseaux les plus récents dit « de 4ème génération», opérés à basse température, valorisant massivement le potentiel des EnR&R locales et s’appuyant sur le stockage thermique pour optimiser les interactions entre les différents vecteurs énergétiques.

Le graphique ci-dessous présente de manière macroscopique l’évolution technique principe des réseaux de chaleur urbains depuis la création de leur concept à la fin du 19ème siècle, jusqu’à ces nouveaux réseaux de « 4ème génération » :

Progression of District Heating-1st to 4th generation

Evolutions technologiques des RCU (source : “Progression of District Heating-1st to 4th generation”,J. E. Thorsen et al., 2018)

Intérêt économique pour les collectivités

Nos clients l’ont constaté, le raccordement d’une solution solaire thermique, à leur Réseau de Chaleur Urbain, permet de stabiliser la facture des usagers finaux.

On vous explique pourquoi !

Le prix de la chaleur solaire repose en grande partie sur une composante stable  : la ressource solaire étant gratuite et illimitée, la centrale fonctionne sans aucun achat de combustible, en indépendance totale vis-à-vis du marché des énergies ! Dès lors, l’indexation du prix de chaleur solaire variable correspondant au coût du travail (couvrant les charges d’exploitation ).

Ainsi, afin d’illustrer la stabilité des prix de la chaleur des RCU intégrant de l’énergie solaire dans leur mix énergétique (et donc dans leur composante tarifaire), le graphique ci-dessous permet de comparer la part variable de la facture énergie du réseau de Pons avec et sans import de chaleur solaire. Ce graphique représente l’évolution de la facture énergie, telle qu’elle aurait évolué sans l’import de chaleur solaire mise en œuvre par Newheat en septembre 2021 (en orange) par rapport à la situation réelle, incluant le solaire thermique à partir de cette date (en bleu).

En substituant l’énergie solaire au gaz et à la biomasse, la centrale solaire thermique Newheat a permis de gagner plus de 7 €/MWh en moyenne sur la première année de fonctionnement, cet écart est amené à croître dans le temps du fait de la tendance inflationniste du prix des énergies !

Comparaison du prix de chaleur sur le RCU de Ponsavec et sans import de chaleur solaire (source : Dalkia, opérateur du RCU de Pons)

Comparaison du prix de chaleur sur le RCU de Pons avec et sans import de chaleur solaire (source : Dalkia, opérateur du RCU de Pons)

A l’échéance du contrat de fourniture de chaleur, la centrale solaire et son stockage peuvent, en fonction du souhait de la Collectivité :
soit être récupérés par celle-ci en échange du versement d’une somme correspondant à la valeur terminale de l’installation. La Collectivité peut alors disposer d’une énergie très compétitive (seuls les coûts d’exploitation et de maintenance restent à couvrir) pour encore de nombreuses années (la durée de vie des centrales solaires thermiques excède les 30 années),
soit être entièrement démantelés par Newheat qui assure la remise en l’état du terrain. A noter que la quasi-intégralité des matériaux constitutifs de la centrale étant recyclables et recyclés en fin de vie.


A la lecture de cet article, vous êtes convaincus de l’intérêt du solaire thermique ou d’une solution de stockage pour alimenter en chaleur renouvelable un réseau de chaleur urbain et souhaitez étudier ces solutions de manière plus détaillée ?

N’hésitez-pas à nous contacter pour en discuter !

Contactez-nous ici

[1] Source Ademe – etat des lieux de la filière réseaux de chaleur et froid de mai 2019

[2] Voir notre glossaire

[3] « Enquête des réseaux de chaleur et de froid annuelle », FEDENE (Fédération des Services Energie Environnement), 2022

[4] Observatoire des réseaux de chaleur et de froid https://www.observatoire-des-reseaux.fr/evolution-du-bouquet-energetique/

[5] « Overview of District Heating and Cooling Markets and Regulatory Frameworks under the Revised Renewable Energy Directive », Bacquet et al. 2022

[6] Cerema

[7] « Solutions techniques pour optimiser les réseaux de chaleur dans un contexte de développement de bâtiments basse consommation », AMORCE et Inddigo, 2011

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